Francis Hallé, botaniste : "La forêt n'a pas besoin de nous, elle se porte mieux quand on ne s'en occupe pas"

Comment repenser notre rapport au vivant ? Tout au long de sa carrière et aujourd'hui encore Francis Hallé s'est battu et se bat pour une reconnaissance de la flore à la hauteur de son intelligence, avec "Le génie de la forêt", il nous emmène dans une balade littéraire, dessinée et arboricole.

Avec

• Francis Hallé, botaniste et biologiste

Un quart des Français passent moins d’une heure par semaine au contact de la nature, surtout par manque de temps. C'est ce qui ressort d’une enquête, réalisée par l’institut Epsilon à l’occasion de l’Université de la Terre qui vient de se tenir à l’Unesco. Par ailleurs, la distance géographique séparant les êtres humains de la nature s’allonge, elle est de 16 kilomètres en France métropolitaine. Et pourtant, toutes les études le disent : nous voulons plus de nature, nous voulons aller à la campagne et nous en avons besoin. Voilà qui n’étonnera pas Francis Hallé, botaniste qui a passé sa vie à étudier la forêt et à la défendre.

Rendre aux forêts leur beauté

Scientifique, la première des choses dont parle Francis Hallé dans sa bande dessinée Le génie de la forêt, c'est de la beauté des bois, trop peu prise en compte : "ce n'est pas pris au sérieux par la science car ça n'avait pas - et j'utilise l'imparfait - de signification biologique, mais moi j'en ai trouvé une, donc je pense que le statut de la beauté, si tout va bien, va s'améliorer. La beauté existe, on l'a tous vue ; même ceux qui ne veulent pas en entendre parler l'ont vue. C'est assez étonnant, car si ça fait partie du réel, ça veut dire que dans le réel les scientifiques font deux parties : l'une qu'ils étudient, l'autre qu'ils préfèrent ignorer. Moi ça ne me convient pas, la beauté, j'y tiens beaucoup".

Car au Congo, Francis Hallé a vécu une expérience hors norme, de celles qui dépassent le "nommable" et qui vous change à jamais ; c'est le sentiment océanique :"c'est quelque chose que seules quelques personnes ont ressenti. Généralement, ça se passe à proximité d'une forêt, du moins à proximité d'arbres. Et d'un coup, vous avez un changement dans votre cerveau, la forêt se rapproche, elle devient lumineuse et le plus étonnant, c'est que vous en faites partie. Il n'y a plus de limite entre vous-même et la forêt et ça nous remplit d'un bonheur incroyable qu'on garde toute sa vie".

Le rêve d'une forêt primaire

Le grand rêve que poursuit Francis Hallé est simple : laisser la forêt en paix et lui permettre de "se faire" : "la forêt primaire se fait toute seule. Il suffit simplement de laisser un espace assez grand, sans y toucher, avec de la terre honnête et la forêt va venir toute seule. On ne se rend pas compte, mais il y a une pluie de graines tellement grande que c'est impossible que chaque graine donne un arbre. Matériellement, il n'y a pas de place, donc une sélection va se faire, mais même cette sélection se fait toute seule. Alors surtout, ne nous en occupons pas, la forêt n'a pas besoin de nous, elle se porte beaucoup mieux quand on ne s'en occupe pas".

Pour que cette forêt primaire puis réémerger, le seul allié est le temps : "pour passer d'une forêt secondaire à une forêt primaire, c'est long, ça se compte en siècles. Ce n'est pas un concept très facile à comprendre car il n'y en a plus en Europe puisqu'une forêt primaire, c'est une forêt qui n'a plus aucune trace d'activité humaine, ni récente, ni ancienne. Quand on aura notre point de chute pour que vive cette forêt, la première chose à faire sera de retirer toutes les traces d'activité humaine". Et le botaniste est très optimiste quant à la réalisation de ce rêve forestier : "je pense que cette année, si tout va bien en 2025, on aura déjà un site où commencer à travailler, un site qui ne sera pas les 70 000 hectares que l'on espère, mais qui va grandir".

Plus d'infos & d'actualités :

• Le génie de la forêt, de Francis Hallé et Vincent Zabus, illustré par Nicoby, colorisé par Philippe Ory et Pierre Jeanneau a paru le 22 janvier 2025 chez Albin Michel Bande dessinée

• Le 21 mars célèbre chaque année la Journée internationale des forêts, cette journée à été proclamée par l’ONU ; elle célèbre la forêt dans sa diversité et vise à mettre en lumière les enjeux auxquels elle est confrontée.

• Francis Hallé est le fondateur de l'association pour une forêt primaire en Europe de l'Ouest

Article complet à retrouver ici